La taverne des rôlistes

Réflexion et analyse critique sur le JdR en général et sur des JdR particuliers

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Zone limite

Schéma de la zone limite dans les jeux de rôles
Dans un jeu de rôle, un MJ ne demande pas à ses joueurs d'effectuer un jet de force pour lever une canette de soda, ni de jet d'intelligence pour lacer ces chaussures tout simplement parce que ce sont des actions pour lesquels (hors cas très particulier) il est évident que la force et l'intelligence des personnages sont largement suffisantes. Il existe donc une catégorie d'actions qui sont forcément réussies car ce sont des actions basiques n'impliquant aucune difficulté particulières. De la même manière, votre MJ ne vous demande pas de jet de perception visuelle pour un objet microscopique ou de jet de force pour soulever un semi-remorque car les personnages ne sont vraisemblablement pas capables de réussir ces actions. Il y a donc aussi une catégorie d'actions qui seraient forcément un échec car ce sont des actions impossibles au vue des limites des capacités des personnages. Entre ces deux catégories se situe la zone des actions pour lesquelles les joueurs devront réaliser un jet, nous appellerons cette zone la "zone limite". La zone limite est la zone d'incertitude, elle correspond aux actions pour lesquelles les personnages ont une probabilité de réussite strictement supérieure à zéro et strictement inférieure à un. Lorsqu'une action est située dans la zone limite, sa probabilité de réussite dépend généralement de la difficulté de l'action en elle-même et des caractéristiques des personnages.

La zone limite a une caractéristique bien particulière qui n'existe que dans les jeux de rôles : pour un ensemble de personnages ayant des scores différents dans une caractéristique, les probabilité de réussite seront différentes, mais les bornes de la zone limite restent les mêmes pour tout le monde. Par contre, le choix par le MJ de ce qui est ou non dans la zone limite dépend d'une estimation rapide qui peut prendre en compte "à vue de nez" les caractéristiques des personnages. La zone limite ira donc plus loin si parmi les personnages, certains ont des caractéristiques très élevées. Par contre, lorsqu'une action se situe dans la zone limite, tous les personnages pourront tester leur caractéristiques pour essayer de la réussir et tous les personnages auront donc une chance de réussir, même si ces chances ne sont pas les mêmes pour tous. Ce point est en fait très peu réaliste. Dans la réalité, non seulement la probabilité de réussite d'une action dans la zone limite dépend des capacités de l'individu, mais en plus, les frontières de la zone limites ne sont pas positionnées précisément au mêmes endroits en fonction des individus. La borne supérieure de la zone limite pour un individu réel se situe au degré à partir duquel ses chances de réussir l'action passent à 100% (il réussie forcément l'action), alors que la borne inférieur se situe au degré à partir duquel ses chances passent à 0% (il ne réussie jamais l'action). Dans la vraie vie et pour une situation exactement identique, ces deux bornes vont se déplacer en fonction des caractéristiques de l'individu. Par exemple, si l'individu A dispose d'une très bonne vue, il pourra percevoir l'objet Z dans tous les cas (Z est donc hors de la zone limite) alors que l'individu B ayant une moins bonne vue n'aura que trois chances sur quatre de percevoir l'objet Z dans les mêmes conditions. L'objet Z fait donc parti, pour l'individu B, de la zone limite.

La plupart des systèmes de JDR ne simulent pas cette variation des bornes de la zone limite. Dans la plupart des cas, ces bornes sont fixes et c'est le jet de dés qui fait la différence. Pourtant, un système simulant ce phénomène est faisable, voir relativement simple. Il s'agirait d'un système de bonus/malus ayant la particularité de pouvoir, dans les cas extrêmes, rendre un jet impossible à réussir ou impossible à échouer. Ainsi, si l'action est facile (fort bonus) et que le personnage a des caractéristiques élevées, le jet pourrait être gagné d'avance alors qu'il ne le sera pas pour un personnage ayant de faibles caractéristiques. A l'inverse, si une action est difficile (fort malus) et que le personnage est faible, l'action sort de la zone limite et n'est pas réalisable alors qu'elle serait dans la zone limite d'un personnage ayant des caractéristiques plus élevées. L'avantage d'un tel système est qu'il réduit l'aléatoire et renforce l'importance des caractéristiques sur la performance. On risque moins de se retrouver dans la grotesque situation du personnage utra-puissant que se rétame sur une action simple pendant que le personnage faiblard réussi. Avec ce système, le personnage ultra-puissant ne ratera pas cette action simple car c'est une évidence pour lui. Le faiblard quant à lui sera bon pour un jet de dés avec un petit bonus (on a dit "action simple"), donc rien n'est perdu pour elle pour autant.

Sylvain

4 commentaires:

Bien le bonjour,

Une fois n'est pas coutume, je suis doublement pas d'accord. Et je vais expliquer pourquoi :

1) Je crois me souvenir qu'il existe des systèmes qui font varier la zone limite en fonction des caractéristiques. Pour exemple In Nomine Satanis// Magna Veritas (de mémoire, je n'ai jamais acheté les livres) ont des caractéristiques à comprendre de façon exponentielle (Force 4 = 2*force 3 ou 4*force 2 etc.)
Ainsi porter un semi-remorque est impossible pour certains personnages et presque un enfantillage pour d'autres. Ce n'est qu'un exemple.

2) cette fois preuve à l'appui : le système de bonus/malus est une tellement bonne idée qu'il existe déjà dans presque tous les jeux de rôles. Exemple : à Dark Heresy les Bonus/Malus peuvent aller jusqu'à +/-60 (par combinaison). Ainsi combattre en Ambidextre au pistolet peut infliger un malus de -60 (pour la main non directrice) à qui n'est pas ambidextre et tire avec des armes qu'il ne connaît pas (ce malus est tel qu'il est absolument impossible à compenser par des caractéristiques, 2d10+20 au tirage +20 avec la promotion maximum) au contraire une racaille de bon niveau le fera sans malus aucun (et je ne parle même pas du type assez futé pour se mettre à bout portant et récolter le bonus de +30).
Si nous sortons des règles de combat, il appartient à chaque MeuJeu de mettre des malus ou bonus : "Il pleut des cordes, le mur est trempé, il inflige un malus de -20 au test d'escalade" (warhammer) ou "la serveuse t'a déjà laissé un numéro de téléphone sur l'addition, tu gagne +9 à ton test de drague" (Tigres Volants).

MJ

 

Oui, en fait les choses se jouent sur la manière dont la difficulté de l'action va être représentée.

La zone limite est mobile dans les cas que tu cites parce que la difficulté est représentée par un bonus/malus sur un jet. Ces jeux sont donc de ce point de vue plus réaliste. C'est d'ailleurs étonnant de qualifier de "réaliste" des jeux comme INS/MV, Dark Heresy ou Warhammer.

Lorsque la difficulté est représentée par un score à atteindre comme dans les jeux du monde des ténèbres, alors la zone limite ne bouge plus. Une action à difficulté maximum pourrait, si les dés sont jetés, être réussi par quelqu'un de faible et inversement. Les jeux du monde des ténèbres qui eux visent plus de réalisme le sont paradoxalement moins sur ce point.

 

C'est vrai que le paradoxe est amusant.

Je viens par ailleurs de me remémorer le système de Rêve de Dragon qui, s'il est lourdingue à souhait, offre le mérite d'avoir un tableau à double entrée proposant en fonction du personnage des jets sur 1d100 à réussir allant de 0 à 120 et quelque (soit une réussite automatique).

Enfin, si je dois retenir quelque chose de tout ceci, c'est que désormais je réfléchirai à cette thématique à chaque système de règle que je créerai à l'avenir.

 

Le système de seuil à atteindre revient au même que le système de bonus/malus. Pour certains, le système de seuil est si bas ou si élevé que le jet de dé est inutile.

Ce qui s'oppose à la variation des bornes de la zone limite, c'est l'existence des réussites/échecs critiques, qui offrent toujours une possibilité faible de rater ou réussir. Cependant, de nombreux jeux intègrent des règles limitant des biais du style "si on réussit, c'est forcément un critique, donc soit on rate, soit on réussit super bien". Et plusieurs ne permettent pas la réussite automatique, ou seulement dans certaines circonstances, ou rendent vraiment très difficile cette réussite si l'action était impossible sans critique.

 
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