La taverne des rôlistes

Réflexion et analyse critique sur le JdR en général et sur des JdR particuliers

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Pourquoi les garous ne peuplent pas les villes ?

Dans la première édition de Loup-garou, la ville est présentée comme un territoire menaçant dans le World of Darkness, car elle est le principal support de l’ambiance Gothique-Punk. Mais les garous devraient être les créatures qui se sentent le moins concernées par le danger des villes à cause de leur puissance. Ce n’est pas le cas et les livres de règles la présentent ainsi : « Les villes ont été sous l’influence des vampires (et donc du Ver) pendant des millénaires et cette influence se reflète dans l’environnement social et physique. Les villes sont impersonnelles et oppressantes, avec des gratte-ciels menaçants et massif, des étendues rouillées de zones industrielles, un ciel enveloppé de brouillard, une criminalité grandissante et des systèmes politiques corrompus. » Le tableau est brossé, les villes c’est nul et dangereux à cause des vampires, c’est le territoire du Ver. Cette première approche apparaît relativement vide de sens. Les villes sont dangereuses et inhospitalières parce que la nature en est absente, parce que la politique est corrompue, parce que les bâtiments sont impersonnels… bref, cette présentation repose davantage sur le ressenti des joueurs et du MJ (en insistant sur ce qui est moralement ou humainement condamnables dans la réalité) que sur de vraies raisons liées au background du WOD (on apprend simplement que les vampires contrôlent les villes et qu’ils sont liés au Ver), et voilà le conseil donné au master à la fin de la présentation : « Contrairement aux vampires, les garous ne s’y sentent pas chez eux, et il est nécessaire de faire ressentir l’étrangeté absolue de la ville. »
Dans le livre des règles de la première édition on ne trouve pas de raisons valables pour que les garous soient particulièrement terrifiés à l’idée de venir en ville (les garous sont tellement puissants qu’on les imagine mal plus en danger que les autres habitants des villes, même face aux vampires), c’est présenté simplement comme une nécessité pour instaurer l’ambiance Gothique-Punk du World of Darkness, ambiance difficile à mettre en place de façon durable si il n’existe pas de vraies raisons qui touchent directement les garous.
Ce genre de défaut est à l’origine de certaines représentations caricaturales des garous : des soldats écolos animistes qui croient en Gaïa, l’esprit de la Terre, qui souffre parce que la corruption (le Ver) l’étouffe. Or il existe un véritable background cohérent qui apporte des réponses et permet de sortir de ce stéréotype.

Dans la troisième édition de Loup-garou, on retrouve une présentation de la relation des garous avec les villes mais cette fois le background assure une solide explication au fait que les villes soient vraiment des lieux dérangeants pour la plupart des garous.

Crinos en ville

L’idéologie
La plupart des garous voient les humains comme une engeance du Ver et par conséquent comme un ennemi. Il faut sans doute rappeler quelques faits historiques pour comprendre pourquoi les Griffes Rouges préconisent l’éradication complète de la race humaine. La société garou a préexisté à celle des humains, les garous ont vu grandir la race humaine, ils les ont vus se développer et outrepasser leurs droits sur la nature : découverte du feu, chasse et agriculture au-delà des besoins… Une première réponse a été l’impergium : un contrôle démographique de la race humaine. Cette période serait à l’origine du Voile et de la peur instinctive des humains envers les garous. Mais les humains se sont développés au-delà de tout contrôle possible, ayant vendu leur existence au Tisserand, ils en étaient devenus les serviteurs. Ils bâtirent des villes, ils nommèrent chaque chose pour les comprendre et les fixer dans une logique humaine loin de la réalité spirituelle, trop vaste pour être maîtrisée par eux. Si bien que la surface de la Terre (royaume de Gaïa) changea. Les villes se développèrent, les humains proliférèrent et les espèces animales renoncèrent à leur liberté. Parallèlement le goulet s’instaura et se renforça proportionnellement au développement des humains sur Terre. Les garous devaient faire face à ce nouvel ordre des choses dont les humains étaient responsables. On voit bien que le lien entre les villes, les humains et l’apocalypse approchant, peut être vite noué. La plupart des garous se retirent donc des villes et les perçoivent comme des nids incompréhensibles et pourris.

La réalité humaine, le Ver
Les villes sont néanmoins réellement inhospitalières dans le WOD, et la dimension Gothique-Punk n’est pas uniquement un effet d’ambiance. Le background de garou nous dit qu’il existe trois forces crées par Gaïa pour faire fonctionner le monde en équilibre : le Sauvage (celui qui crée la vie, sans contrôle ni mesure), le Tisserand (celui qui modèle la vie et la fixe dans un ordre précis et immuable), le Ver (celui qui détruit ce que fixe le Tisserand et ce que crée le Sauvage pour sauvegarder l’équilibre). Mais le Tisserand abandonna son rôle et captura le Ver dans sa Toile, celle-ci se teinta alors des puissances destructrices du Ver et la Toile ordonnatrice devint une toile corrompue. Les humains sont une des forces les plus actives du Tisserand depuis le pacte originel (la découverte du feu) et les villes sont les nids des humains. Voilà pourquoi les villes sont si terrifiantes, elles sont l’incarnation de la Toile corrompue, elles se bâtissent à partir d’une essence destructrice insufflée par le Ver. Il est logique alors que les villes soient le lieu de la violence, de la folie, de la corruption… pas pour un effet d’ambiance mais parce que le Ver y impose sa force. Il semble également que les garous amalgament le Ver et le Tisserand, ce qui est légitime étant donné la réalité cosmologique. Mais certains garous outrepassent cela. Les Rongeurs d’Os croient en la puissance des hommes mais les perçoivent comme des victimes du pouvoir du Ver. Ils veulent renouer avec eux et se faire pardonner les massacres durant l’impergium. Les Marcheurs-Sur-Verre, eux, ont perçu toute la puissance des Totems du Tisserand et toutes les possibilités qu’offrent les villes pour survivre et combattre le Ver. Ces deux tribus font des villes un territoire garou, au risque de se faire accuser de traîtrise par les autres tribus. Mais ce n’est pas chose aisée car il demeure la malédiction des garous. Les relations avec les humains ne durent jamais très longtemps car ces derniers sentent que le prédateur ancestral rôde autour d’eux. Côté garou ce n’est pas non plus toujours évident de maîtriser sa rage... et, bon, un garou qui claque un autre garou ça va, mais un garou qui claque un humain c’est une autre histoire. Il faut également prendre en compte l’influence du Voile : seul les Parents peuvent voir les garous tels qu’ils sont vraiment sas risquer de perdre la raison.

Particularités garous
Mi-homme mi-loup, les garous doivent vivre avec certaines particularités physiques et spirituelles lorsqu’ils sont en ville. Leurs sens de loup sont souvent abusés par l’activité urbaine : pas facile de suivre quelqu’un à la trace avec les odeurs d’échappement et la densité de population. Pour les lupus c’est évidemment encore plus problématique. La chasse est beaucoup plus difficile car il est interdit par la Litanie (loi garou) de manger de l’humain et les proies sauvages sont rarissimes voir inexistantes en ville. De plus les rares animaux chassés sont souvent des enfants du Ver et donc bannis par les garous. Il faudra donc survivre en s’intégrant à la société humaine : trouver de l’argent et se payer de la nourriture industrielle, si la meute veut rester en ville (ce que peu de tribu consentent à faire). La dimension spirituelle est aussi un facteur traumatisant pour les garous. En ville, nous l’avons rappelé, sont particulièrement présents le Ver et le Tisserand. Le Sauvage, principale allié des garous a du mal à se faire présent. Le pouvoir des garous est donc limité en ville. Un élément concret est la puissance du goulet en ville, et il interdit en général au garou de se rendre dans l’Umbra et/ou de trouver des alliés spirituels. Les garous peuvent donc être particulièrement affaiblis en ville. En revanche, leurs sens spirituels sont toujours dans le rouge ! Et des dons comme Sentir le Ver peuvent tourner au cauchemar, comme une hypersensibilité sans cesse titillée. Grâce à ce genre de dons les garous sont aussi capables de distinguer les véritables forces à l’œuvre derrière les affaires criminelles, la corruption, la pollution, la consommation industrielle…

Nicolas

4 commentaires:

Intéressant.

Juste une remarque: dans les différents suppléments, il est précisé que the Weaver est une "she" dont d'essence féminine, d'où ma proposition de traduction: la Tisseuse.

 

Oui, ça parait logique mais si on regarde par exemple un bouquin de base garou en anglais, on s'aperçoit que lorsque les garous sont mentionnés c'est également par ce pronom "she" et par le déterminant féminin "her" : "auspice, the moon under which she (le garou) was born and that determines her (celui du garou) path in life" (p.53 corerulebook 3thd edition)

J'ai cherché une raison grammaticale dans la langue anglaise, mais je reste sans explication pour le moment.

 

C'est la même chose dans "changeling : the lost", les changelins sont désignés par "she".

Je n'ai pas d'explication.

 

J'ai été voir dans la 2ème édition du Book of the Wyrm, et cette entité est désignée par le pronom "it" alors que le Weaver est toujours désigné par "she".

Dans le Book of the Wild, le Sauvage est désigné par "it", le Ver aussi et le Tisserand toujours par "she".

La règle en anglais est que le pronom "it" désigne des "objets, animaux et abstractions non personnifiées". On emploiera le pronom "she" pour désigner une personne de sexe féminin ou un animal de compagnie femelle.

Après, je n'arrive pas à trouver une logique pertinente dans tout ça...

 
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