La création de scénario par un MJ est un sujet central de réflexion
parce que cela représente souvent une vraie difficulté. J’ai construis
il y a quelques mois un scénario pour Vampire : la mascarade qui s’est
très bien déroulé et qui m’a demandé finalement assez peu de travail de
préparation. Habituellement, mes scenarii ont beaucoup de défauts divers
mais celui-ci en particulier a véritablement donné une partie fluide,
agréable et facile à mener. Je pense que cette réussite provient en
grande partie de la méthode de construction de scénario que j’ai utilisé
et c’est cette méthode que je vais présenter ici. Je
ne prétends pas présenter une méthode miracle, mais une méthode qui a
très bien fonctionné pour moi et qui constitue un cas d'étude
intéressant.
Un support : le diaporama
J’ai
perdu l’habitude d’écrire sur papier et je me suis donc naturellement
tourné vers mon ordinateur pour écrire le scénario. A ce stade,
j’ouvrais un document Word dans lequel j’écrivais mes idées et je
commençais à essayer de résumer une trame générale. J’avais dans l’idée
que j’aurais l’ordinateur avec moi pendant la séance, ce qui me
permettait d’envisager une utilisation massive d’images. Il semble
adéquat d’avoir un document unique sous les yeux pendant le jeu et pour
cela, Powerpoint est bien plus intéressant que Word. L’avantage majeur
de Powerpoint est qu’il est adapté au contenu résumé et sautant aux yeux
là où Word servirait plutôt aux tartines de textes. Une écriture de
scénario pratique pour être utilisée pendant la partie est une écriture
qui permet de trouver facilement les informations essentielles. Quand je
suis MJ, prendre le temps de lire un paragraphe entier est
difficilement envisageable. L’écriture opérationnelle consiste alors à
mettre en évidence les informations de manière à ce que le regard trouve
rapidement les informations recherchées. Par exemple, je décide que
j’écris en gras tous les noms de personnages, en italique les
descriptions ou paroles de PNJ directement lisibles aux joueurs et en
souligné les conditions (voir image ci-dessous).
Diapositive présentant l’entrée d’un PNJ. On repère son nom en gras, sa photo à gauche et ses premières actions en haut. On voit aussi immédiatement que deux endroits sont soulignés et qu’il a donc deux possibilités d’actions selon ce que feront les joueurs |
Le mode d’affichage appelé « trieuse de diapositives » permet d’afficher à l’écran un maximum de diapositives à la taille de votre choix (voir image ci-dessous). Lorsque les PJ prennent une décision qui peut les conduire à différents « endroits » de votre scénario (et donc de votre diaporama), la trieuse de diapositive permet de rapidement situer l’endroit en question pour s’y rendre, certainement plus rapidement que la recherche de la bonne page Word ou papier dans un scénario rédigé. Cela permet aussi de mettre de l’ordre dans ces idées en pensant le scénario comme un tout, une galaxie de scènes, de personnages et de lieux interconnectés.
Sur chaque slide, un titre bien visible correspond à une séquence précise du scénario ou à un PNJ par exemple. Il est alors possible d’avoir très facilement une vue d’ensemble du scénario |
Une structure : le poulpe
C’est
un scénario d’enquête. Une jeune vampire a disparu mystérieusement et
les puissants PJ, au service du Marquis, vont mener l’enquête. Pour
cela, ils vont devoir aller secouer les puces de tous les vampires de la
ville, y compris les plus lunatiques. Au fil de l’enquête, ils vont se
rendre compte que tous les vampires de la ville auraient pu, chacun pour
des raisons différentes, commettre le méfait. En clair, chacun a un
mobile, personne n’a d’alibi. Ils pensaient devoir canaliser un troupeau
de moutons, ils découvrent qu’il s’agit en fait d’une meute de loups.
Les vampires de la ville sont soit monstrueux, soit comploteurs et
surtout, ils sont à deux doigts de s’entretuer.
La structure du scénario est assez simple. Il y a en tout 7 groupes de vampires dans la ville, soit autant de suspects, mais il se trouve qu’aucun d’entre eux n’est coupable. Par contre, chacun de ces groupes de vampires ne va pas se contenter de clamer son innocence, ils ne vont pas hésiter à balancer des informations dont ils pensent que cela pourrait nuire à leurs rivaux. Les PJ interrogent tout le monde dans l’ordre qu’ils souhaitent, et tente d’assembler les morceaux. Plus ils accumulent d’information et plus se dessine progressivement une huitième piste (le huitième tentacule du poulpe). Il y a donc huit pistes à explorer. Elles ne sont pas franchement dépendantes les unes des autres dans le sens où les PJ peuvent les explorer dans l’ordre qui leur convient.
La piste infernaliste :il s’agit d’un vieux Tsimisce qui se prend pour un démon et de sa goule prêtre. D’après les rumeurs, ils sont vraiment fous et imprévisibles, des suspects idéaux donc |
Cette structure tentaculaire présente un excellent rapport liberté/complexité. La liberté du joueur est importante dans le déroulement du scénario car il décide réellement de ce qu’il va faire parmi les pistes possibles. La complexité pour le MJ est faible. En fait, que le scénario soit absolument linéaire ou tentaculaire, cela ne change pas grand-chose en termes de difficulté à gérer. Pour être très concret, dès que les joueurs décident par exemple d’aller interroger le vieux Tsimisce, ils entre alors dans la « Piste 4 » (voir image ci-dessus). Le MJ n’a qu’à passer à la première diapositive de cette piste qui lui décrira les personnages concernés, les informations détenus par ceux-ci, des éléments de décors, d’ambiance, et quelques éventuelles péripéties ou phrases clés. Ces éléments notés sont suffisants pour jouer la scène et pour faire face sans difficulté aux approches plus ou moins inattendues que pourraient avoir les PJ.
La structure tentaculaire était en partie hiérarchisée. Ainsi, la piste 6 (voir image ci-dessous) devenait accessible du fait d’informations spécifiques obtenues par les PJ dans des pistes précédemment explorées. De la même manière, la piste 8 (celle des vrais coupables) ne se débloque que lorsque les PJ ont recoupés les informations de nombreuses pistes (plus ils en explorent, plus la piste 8 gagne en évidence).
En collectant des informations, les PJ se rendent compte que même le Marquis est suspect dans cette affaire. |
Conclusion
Cette expérience m’a convaincu que l’écriture d’un scénario de jeu de rôle devrait être pensée dès le départ pour son utilisation finale, c'est-à-dire le jeu. Powerpoint est selon moi une bonne solution quand on a un ordinateur sous la main pendant la séance, mais ce qui compte plus largement, c’est d’écrire son scénario de manière opérationnelle. Je n’écris pas un roman qui va être lu, j’écris l’ensemble des informations dont j’aurais besoin pour masteriser tel scénario. Cet objet physique (ou numérique) qu’est le scénario n’a aucune raison de ressembler à un long texte parce qu’une partie de jeu de rôle ne ressemble pas à une longue lecture. Écrire un scénario de manière opérationnelle, c’est par exemple se dire « quand je serais sur cette page, de quelles autres informations j’aurais besoin ? » pour mettre ces informations sur la même page. Et là, je parle aussi bien de page Word, Powerpoint ou papier. L’économie devrait être la règle. Je ne vois pas pourquoi on aurait besoin d’une seule phrase complète dans un scénario en dehors de phrases descriptives que le MJ veut lire, ou de paroles précises de PNJ. Un scénario opérationnel devrait donc être truffé de tirets, de mots soulignés, surlignés, de listes ou pourquoi pas de liens hypertextes. Pour un scénario non linéaire, une forme d’index est un vrai plus (sommaire, trieuse de diapositives…) car il permet tout simplement de réduire le temps toujours trop long de « je cherche la page ».
La structure tentaculaire est elle aussi intéressante. Il s’agit d’une sorte de compromis entre un scénario linéaire et ce que certains appellent le bac-à-sable (Voir « Linéarité contre bac-à-sable »). Un scénario d’enquête impliquant une longue liste de suspects oblige le MJ à détailler cet ensemble de PNJ, ce qui revient de fait à créer une sorte de bac-à-sable. Pour autant, cela n’empêche pas d’injecter une structure narrative, des scènes et des rebondissements. Le principe du bac-à-sable est de laisser une grande zone vierge de scénario pour que les joueurs y construisent eux-mêmes des histoires. D’une certaine manière, le scénario tentaculaire revient à faire jouer les joueurs dans un bac-à-sable plus petit (car contraint) mais avec des jouets à l’intérieur (un scénario construit).
Sylvain
Cette expérience m’a convaincu que l’écriture d’un scénario de jeu de rôle devrait être pensée dès le départ pour son utilisation finale, c'est-à-dire le jeu. Powerpoint est selon moi une bonne solution quand on a un ordinateur sous la main pendant la séance, mais ce qui compte plus largement, c’est d’écrire son scénario de manière opérationnelle. Je n’écris pas un roman qui va être lu, j’écris l’ensemble des informations dont j’aurais besoin pour masteriser tel scénario. Cet objet physique (ou numérique) qu’est le scénario n’a aucune raison de ressembler à un long texte parce qu’une partie de jeu de rôle ne ressemble pas à une longue lecture. Écrire un scénario de manière opérationnelle, c’est par exemple se dire « quand je serais sur cette page, de quelles autres informations j’aurais besoin ? » pour mettre ces informations sur la même page. Et là, je parle aussi bien de page Word, Powerpoint ou papier. L’économie devrait être la règle. Je ne vois pas pourquoi on aurait besoin d’une seule phrase complète dans un scénario en dehors de phrases descriptives que le MJ veut lire, ou de paroles précises de PNJ. Un scénario opérationnel devrait donc être truffé de tirets, de mots soulignés, surlignés, de listes ou pourquoi pas de liens hypertextes. Pour un scénario non linéaire, une forme d’index est un vrai plus (sommaire, trieuse de diapositives…) car il permet tout simplement de réduire le temps toujours trop long de « je cherche la page ».
La structure tentaculaire est elle aussi intéressante. Il s’agit d’une sorte de compromis entre un scénario linéaire et ce que certains appellent le bac-à-sable (Voir « Linéarité contre bac-à-sable »). Un scénario d’enquête impliquant une longue liste de suspects oblige le MJ à détailler cet ensemble de PNJ, ce qui revient de fait à créer une sorte de bac-à-sable. Pour autant, cela n’empêche pas d’injecter une structure narrative, des scènes et des rebondissements. Le principe du bac-à-sable est de laisser une grande zone vierge de scénario pour que les joueurs y construisent eux-mêmes des histoires. D’une certaine manière, le scénario tentaculaire revient à faire jouer les joueurs dans un bac-à-sable plus petit (car contraint) mais avec des jouets à l’intérieur (un scénario construit).
Sylvain
1 commentaires:
ça faisait longtemps. Chaque fois que je visite la taverne j'en sors un peu plus instruit.
Faudra donc que j'envisage sérieusement de tester ça in situ; ma dernière utilisation d'un PPS en milieu rôlistique serait à faire les feuilles de perso d'un GN.
Bref, cessons de digresser et disons-le en quelques mots : j'apprécie cet article.
MJ
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