Comme nous l’avons déjà exposé dans « Loup-Garou est-il le bourrin de la famille White Wolf ? », un système de règles est équilibré lorsque les différentes caractéristiques qui se situent sur le même niveau sont d’une utilité égale. Nous cherchons à savoir si les règles de combat de Warhammer JDR sont équilibrées. Pour déterminer cela, nous avons effectué de nombreuses simulations de combats à l’aide du simulateur développé par notre équipe afin d’évaluer le poids de chacune des caractéristiques dans les duels au corps à corps. Pour ces tests, nous nous appuyons sur le fait que les résultats de nombreux combats successifs entre deux personnages donnent une estimation de la probabilité de victoire et que la précision de cette estimation augmente avec le grand nombre de combats. Nous décidons donc que chaque test donnera lieux à 1000 combats automatisés. Nous avons donc construit deux personnages dont les caractéristiques de base sont les suivantes :
CC F E B A
30 3 3 9 1
Bien entendu, si nous les faisons s’affronter, les chances de victoire de chacun sont exactement égales à 50%. Nous traitons à part l’Initiative dont le seul rôle au combat est de déterminer qui frappe en premier. Selon les tests avec 1000 combats, nous estimons que le personnage à la plus forte initiative (toutes les autres caractéristiques étant égales) gagne dans 50,8% des cas au lieu de 50%. Précisons tout de même que dans un affrontement de berserkers (beaucoup de capacités offensives et peu de compétences défensives), l’initiative pourrait devenir une caractéristique décisive.
Nous avons plus particulièrement évalué ce qu’il se passait si nous ajoutions des bonus progressivement à l’un des deux combattants dans la capacité de combat, l’attaque, la force, l’endurance et les blessures.
Abscisse : bonus, Ordonnée : probabilité de victoire |
Le graphique ci-contre présente les résultats de ces tests. En abscisse se trouve le bonus apporté. Ainsi, à « 0 », le personnage testé à 50% de victoire puisqu’il a les mêmes caractéristiques que son adversaire. En revanche, à « 1 », la courbe rouge par exemple nous indique le pourcentage de victoire de ce personnage si on lui donne un point de plus en attaque. On test donc jusqu’à +6 points dans chacune des caractéristiques. Par ailleurs, précisons que concernant la capacité de combat, nous avons fait une évaluation tous les 10 points plutôt que tous les 1 point. En regardant ce graphique, on s’aperçoit que les différentes caractéristiques n’apportent pas la même contribution au combat.
Capacité de combat
C’est la caractéristique qui sert à toucher l’adversaire. Dès le premier point supplémentaire, la probabilité de victoire augmente sensiblement. Puis, cette augmentation se poursuit pour tendre vers une valeur se situant manifestement entre 95 et 100% de victoire. Cela s’explique très bien. Même avec une capacité de combat maximale assurant de toucher l’adversaire à chaque coup porté, rien n’assure que cet adversaire sera tué pour autant. Malgré tout, on voit que cette caractéristique est centrale pour un guerrier.
Endurance
L’évolution de la courbe de victoire liée à l’endurance a un profil légèrement différent. L’augmentation de cette caractéristique entraîne dès le premier point une nette augmentation des victoires, mais la courbe tend quant à elle directement vers 100%. En effet, assez rapidement, la victoire devient très improbable pour l’adversaire dont la force est mécaniquement trop basse pour blesser notre combattant test. Cependant, les chances de victoire n’atteignent jamais 100% à cause de la règle des « 6 explosifs » qui consiste à relancer les dés de dégâts qui ont fait un 6 et à additionner ces dés. Notons qu’à partir de 5 points de bonus, c’est la caractéristique d’endurance qui permet le plus grand pourcentage de victoire.
Blessure
L’augmentation du nombre de points de vies n’a pas vraiment un effet spectaculaire sur les chances de victoire. En fait, on ne franchi les 60% de victoire qu’à partir de 5 points de bonus, ce qui est considérable. Il s’agit clairement ici de la caractéristique la moins décisive.
Force
L’augmentation des points de force n’est pas non plus très efficace. En fait, cette augmentation serait bien plus décisive dans certains cas particuliers comme l’affrontement d’un personnage à l’endurance ou au nombre de points de vies très élevés. Dans les cas plus classiques, une grande force ne change pas grand-chose. D’ailleurs, cette augmentation déjà faible se tari au bout de quelques points car, pour résumer, lorsque vous avez assez de force pour tuer votre adversaire d’un coup, un point de plus ne sert à rien.
Attaque
Enfin, l’effet de l’augmentation de l’attaque est fulgurant. Dès le premier point de bonus, les chances de victoire dépassent les 75% alors que le second point fait franchir les 85%. Avec peu de points, c’est de loin la caractéristique la plus rentable. Néanmoins, à haut niveau, le score d’endurance reprend le dessus. En effet, avec beaucoup de points en attaque, on s’assure du tuer l’adversaire du premier coup et les chances de perdre deviennent les chances de mourir aussi au premier coup. Avec un très haut score d’endurance, l’adversaire n’a presque plus aucune chance de vous blesser, même au premier coup, ce qui explique cette différence de pourcentage.
Ainsi, les caractéristiques que devrait booster en priorité un guerrier pour des combats classiques sont l’attaque, l’endurance et la capacité de combat. Bien entendu, il ne faut pas oublier que lors d’un combat, les différentes caractéristiques fonctionnent en interaction les unes avec les autres. Il est par exemple évident qu’un grand nombre d’attaque ne sert à rien à un personnage dont la capacité de combat est extrêmement faible. Pour gagner, il faut à la fois survivre grâce aux blessures et à l’endurance, mais aussi toucher l’adversaire (capacité de combat) et le blesser (force). Il reste malgré tout un déséquilibre entre les caractéristiques. Si le système est équilibré, alors les caractéristiques les moins utiles au combat devraient être les plus utiles en dehors des combats.
- Initiative : permet de déterminer l’ordre des actions et pas uniquement au combat
- Force : permet d’effectuer n’importe quelle action de force
- Endurance : sert à résister aux blessures d’une manière générale (y compris aux flèches par exemple)
- Blessure : comme l’endurance, permet de survivre à n’importe quelle blessure
- Attaque : il s’agit du nombre d’attaques au combat mais cette caractéristique n’a pas d’autre utilité
- Capacité de combat : Sert uniquement au combat rapproché.
Pour résumer, toutes les caractéristiques médiocres au combat rapproché (initiative, force, blessure) ont une utilité extérieure. Ainsi, lorsque vous mettez un bonus dans l’une d’elle, ce bonus reste raisonnablement utile du fait de la polyvalence de ces caractéristiques. L’attaque et la capacité de combat n’ont pas d’utilité en dehors du corps à corps. Ces deux caractéristiques sont donc très intéressantes pour un guerrier, mais bien moins pour tout personnage moins spécialisé. Enfin, le seul problème réside dans l’endurance. En effet, cette caractéristique est à la fois décisive au corps à corps et utile dans d’autres circonstances. En fait, du pure point de vue de l’optimisation, un personnage un tant soit peu porté sur le combat a tout intérêt à utiliser dès que possible son expérience pour augmenter son endurance.
5 commentaires:
Excellent cet article.
Très intéressant ce point de vue statistique.
Même si l'objet n'est pas de grosbiller, il donne tout de même une idée de priorisation des dépenses...
Merci
respect pour le boulo d'analyse, vraiment du bon boulo! Par contre le sujet est un peu pointu pour toucher du monde même s'il doit être possible de s'en inspirer pour l'adapter à d'autres univers de jeu.
Après, il me parrait pas possible de se limiter à ce minuscule aspect très technique des règles pour conclure sur l'issu d'un combat jdr, et je suis sure que l'auteur de l'article le mesure parfaitement. Quantité de paramètres vont concourir à déterminer le terme d'un combat. Celui ci en est un parmis d'autre, très apprécié des grobsbills optimisateurs de perso qui parfois ne comprennent du coup pas "comment j'ai pu perdre ce fight contre un tel minable de PNJ!"... j'aimerais beaucoup un article connexe plus exhaustif et non limité à un jdr particulier qui évoquerait à titre d'exemple : l'importance du savoir estimer la valeur d'un groupe d'adversaires potentiels, l'importance de jauger de l'état et du potentiel du groupe de persos, l'importance de savoir tirer partie du contexte spatial, temporel et météo, l'importance de considérer la capacité de prise de parole d'un joueur donné au milieu des autres surexités en pleine scène d'action dramatique... etc. etc... en fin tout ce qui donne véritablement son sel à une bonne baston jdr.
@ Parleur
Je suis bien d'accords. J'ai traité uniquement de l'aspect mécanique tout en sachant que la stratégie et le contexte jouent aussi.
Concernant la généralisation à d'autres jeux, je la résumerais dans l'idée selon laquelle les caractéristiques interagissent. Il est rare qu'un combat dépendent entièrement d'une seule caractéristique.
Enfin, pour les prévisions d'articles, un autre est sur le feu, toujours sur Warhammer mais en allant cette fois sur l'étude des interactions entre caractéristiques. Je prends en note la suggestion d'une étude des aspects plus contextuels, cela débouchera peut-être sur une prochaine publication.
Un article très intéressant, mais juste un petit point me chiffonne : on voit sur le graphique que les probabilités de victoire baisse lorsqu'on passe de 2 à 3 point de Blessures. C'est faible mais net. Y a-t-il une explication ?
Il s'agit d'imprécision : la courbe est tracée sur une estimation basée sur 1000 combats, ce qui comporte une part d'aléas.
En fait, cette courbe devrait théoriquement être quasi stable avant les derniers points.
J'ai préféré ne pas aplanir la courbe pour des raisons de transparence sur la méthode vis à vis des lecteurs, mais la vérité statistique, c'est que cette courbe ne devrait pas diminuer.
Enregistrer un commentaire