Dans les jeux de rôles, les joueurs et le MJ partagent un espace imaginaire commun. Cet espace commun est bien entendu une métaphore qui désigne le fait qu'ils imaginent chacun de leur côté quelque chose de relativement similaire. Cet espace est enrichi et animé par les différents joueurs et surtout par le MJ. Un fonctionnement classique consiste à ce que le joueur propose une action et que le MJ en décrive le résultat effectif (avec éventuellement un jet de dés entre temps). Dans ce cas de figure, c'est la parole du MJ qui va apporter des éléments dans l'espace imaginaire commun.
La réalité dans un JdR est constituée par ce qui est dit par ceux aillant la crédibilité suffisante (pour le concept de crédibilité en JdR, voir l'article de Young : "LNS, de la théorie à l'application". L'évolution de l'espace imaginaire commun ne repose par définition que sur la parole des individus porteurs de crédibilité. Pour le MJ, ce rapport à l'espace imaginaire est plus complexe que pour les joueurs. Sa forte crédibilité donne une valeur générale de vérité à ses paroles qui influencent donc très fortement l'espace commun et en même temps, il est le seul "joueur" à ne pas être tenu de décrire la réalité fictive telle qu'elle est réellement.
Une partie du travail du MJ consiste à verser de la réalité fictive (ce qui est objectivement vrai dans le monde imaginaire) dans le bol qu’est l’espace imaginaire commun. Au-dessus de ce bol se trouvent positionnés deux filtres : la perception et l’intelligence. Ces filtres correspondent au fait que les personnages ne perçoivent que ce qu’ils sont capables de percevoir (en fonction de leur capacité de perception) et ne comprennent que ce qu’ils sont capable de comprendre (en fonction de leur intelligence et de ses déclinaisons). Ceci étant dit, certains groupes de rôlistes confient au MJ la tâche de positionner les filtres alors que d’autres groupes confient cette tâche aux joueurs.
Les acteurs
Dans ce cas de figure, c’est le MJ qui prend en charge le positionnement des filtres. Pour notre exemple, prenons une situation dans laquelle un PNJ vicelard tente de gagner la confiance du personnage joueur. Malheureusement, le personnage joueur n’étant pas très malin, il ne s’en rend pas compte. Le MJ dit au joueur « Il te dis : ne t'inquiètes pas, fais-moi confiance je ne te trahirais pas. » puis il ajoute « Il te semble sincère ». Le joueur lui-même va croire que le PNJ est sincère. Autrement dit, le joueur n’a pas besoin de jouer la naïveté de son personnage puisqu’il n’a pas, même en tant que joueur, de raison majeur de penser que ce PNJ est malveillant. C’est le MJ qui positionne lui-même le filtre de l’intelligence au-dessus du bol. Le joueur reçoit dans son espace imaginaire commun de la réalité fictive déjà filtrée, ce qui le place dans une position d’acteur (dans le sens de celui qui fait les « action »). Cette histoire n'est pas élaborée collectivement, elle est jouée, vécue, le MJ essai de placer le joueur dans des conditions proches de celles de son personnage.
Les scénaristes
Dans ce second cas, c’est le joueur qui place les filtres. Gardons le même exemple concret que précédemment. Le MJ dit au joueur « Il te dis : ne t’inquiètes pas, fais-moi confiance, je ne te trahirais pas. », puis il ajoute « comme tu es un peu naïf, tu le crois sans douter une seconde ». Ici, le joueur sait que le PNJ n'est peut-être pas sincère, mais il va interpréter son personnage naïf et donc, volontairement se laisser convaincre. Le MJ verse de la réalité fictive brute et c’est au joueur de positionner ses filtres en se forçant à faire comme s’il faisait confiance au sournois PNJ. Il est cette fois dans une position de « scénariste » car il participe réellement et « à armes égales » avec le MJ à l’élaboration coopérative d’une histoire.
Sylvain & Nicolas
1 commentaires:
Encore une fois un article très intéressant et fort bien écrit (en plus le petit strip m'a bien fait rire)
C'est vraiment du super boulot
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