La taverne des rôlistes

Réflexion et analyse critique sur le JdR en général et sur des JdR particuliers

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Qu'est-ce qui motive le Grosbill


Les grosbills dans les JDR(*)

Vous avez probablement un jour ou l'autre partagé la table d'un Grosbill. Si ce n'est pas le cas, cela vous arrivera sans doute. D'ailleurs, peut-être êtes vous vous-même un Grosbill ? Pour dire les choses clairement, un Grosbill est un joueur qui a tendance à optimiser ses personnages au niveau de leurs caractéristiques et de leurs comportements. Le personnage n'aura donc que des compétences utiles et il ne réalisera jamais d'action gratuites, c'est-à-dire n'apportant aucune gratification directe au personnage ou aucune avancée dans la quête en cours. Lorsqu'il y a un Grosbill dans un groupe, son personnage est donc généralement beaucoup plus puissant que les autres. On peut se demander pourquoi il fait cela puisqu'a la fin, il n'y a pas de vainqueur. Alors, qu'est-ce qui motive le Grosbill ? Pourquoi est-il comme il est ? Nous avons déterminé deux principaux types de Grosbills, deux causes différentes amenant à cette même conséquence. 

L'absence de roleplay


Dans l'article intitulé "le jeu de rôle c'est pour les perdants", Steve Darlington explique entre autres que les personnages méchants sont souvent les personnages de joueurs qui ne font pas de roleplay. Dit de cette manière, ça ne semble pas évident, mais l'argumentation est pourtant convaincante. L'idée est la suivante : en l'absence de roleplay, le joueur joue en fait à une sorte de jeu de stratégie oral ou bien dirons nous (pour ne froisser personne), à une forme particulière de JDR tendue vers l'objectif de la "réussite" du scénario. L'objectif devient donc la réussite et celle-ci prend généralement la forme d'avancées dans le scénario en cours, ou plus précisément d'avancée dans les objectifs à cours termes des personnages. Pour prendre un exemple caricatural mais néanmoins vécu, face à un cadavre qui n'était pas un ennemi, certains joueurs vont interpréter leur personnage qui dans la plupart des cas vont avoir un certain respect pour le défunt. Le Grosbill, lui, ne voit là qu'un coffre à fouiller pour voir s'il n'y aurait pas quelque chose d'utile pour la suite (pièces d'or, arme etc). Dans ce cas de figure, le Grosbill n'interprète pas forcément un personnage immoral, il n'interprète pas réellement le personnage. De fait, son personnage n'est ni moral, ni immoral, il est amoral. Il ne se demande pas si son personnage, du fait de son histoire et de sa psychologie, est en mesure de fouiller le cadavre d'un innocent pour lui prendre son argent. 


Ainsi, comme je l'écrivais plus haut, certains personnages au comportement "méchant" ne le sont pas parce c'est ainsi qu'ils ont été modelés mais du fait de l'absence de roleplay. Cette approche du JDR est une des voie menant directement au Grosbillisme. Si le JDR consiste pour vous à réussir des missions comme purger des dongeons en gérant au mieux les caractéristiques des personnages et leurs équipements, alors vous êtes un Grosbill. Soit dit en passant, je ne considère pas ce terme comme étant particulièrement péjoratif. Je suis personnellement un adepte des jeux de stratégie et aussi du JDR, la pratique d'un JDR tendant vers le jeu de stratégie est loin d'être une mauvaise idée (sur ce point, il y a un débat en rapport avec D&D). 

Le narrativisme

Si la première voie menant au Grosbillisme est celle de l'absence de roleplay, la seconde passe au contraire par une forte volonté de roleplay très spécifique. C'est ce que décrit Max Cairnduff dans "les narrativistes : une nouvelle race de Grosbills ?". Pour comprendre le point que je vais développer ici, il est nécessaire de connaitre le modèle tripartite dont vous trouverez une présentation vulgarisée John Kim sur cette page. Selon Max Cairnduff, le narrativisme dans certaines de ces formes conduirait au Grosbillisme. En effet, le narrativiste est un joueur cherchant dans le jeu de rôle des chouettes histoires comme celles que l'on peut trouver au cinéma. Or, comme nous n'avons déjà expliqué dans "héroïsme, stupidité et vie quotidienne", les personnages de cinéma ne faisant pas de jet de dé, ceux qui doivent réussire leurs actions pour que la scène soit impressionnante les réussiront forcément. Dans un jeu de rôle, souvent, même si vous imaginez un personnage très stylé, il est susceptible de rater certaines actions là ou une réussite aurait fait une meilleur histoire, il est aussi susceptible de se ridiculiser sur des échecs critiques. Le narrativiste aura donc été plusieurs fois frustré de ne pas pouvoir valoriser le personnage comme il l'aurait souhaité et de ne pas pouvoir lui faire vivre les scènes qu'il avait imaginé. Pour résoudre ce problème, il va alors décider de survitaminer son personnage. Il était sensé être super classe pendant les combats et il s'est honteusement ramassé à la première rixe ? Alors le prochain personnage aura tellement de points dans les compétences de combats que les probabilités d'échecs disparaîtront presque. Fini le ridicule ! Il va enfin pouvoir avoir la classe, comme au cinéma ! Il se trouve que ce joueur a tranquillement glissé jusqu'à la définition du Grosbill. Il sur-optimise les caractéristiques de son personnage pour pouvoir maîtriser à fond la situation et garder la main sur le déroulement des scènes. 


Conclusion


Il y a donc bien plusieurs voies qui mènent au Grosbillisme. Il s'agit dans tous les cas de conceptions différentes du jeu de rôle. Le Grosbill peut avoir une vision compétitive du JDR, mais il peut aussi au contraire voir le JDR comme un moyen de construire de belles histoires. La mauvaise réputation du Grosbill provient à mon avis de leur difficulté à cohabiter harmonieusement avec d'autres profils de joueurs qui auront tendance à y voir soit un manque de roleplay, soit un sur-jeu.


Grosbill narrativiste

(*) Les deux BD présentes sur cette page sont réalisées avec Stripgenerator


Sylvain

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